Il faisait froid... Enfin froid. Autant vous dire que l'air était glacial. J'avais laissé Cerberus chez moi, il n'aurait pas voulu avancer avec un temps pareil, de toute manière. Bordel. Je n'étais revenu à Londres que depuis deux jours, incognito ou presque, vu que nous étions fichés comme des chiens dangereux ou des vermines de la pire espèce. Passons ce détail de merde. L'Argentine. Je m'y étais caché quatre mois. Quatre mois pour faire le point, pour réapprendre qui j'étais. Et bah c'était tout sauf facile. Vous pensiez être quelqu'un de classe, de clean, de plus intelligent que la plupart des personnes formant votre famille, et là... Vous apprenez d'un claquement de doigts que vous êtes un putain de dieux jaloux avec un humour parfois douteux ? Je plaide coupable pour l'humour. J'aime ça en plus. Mais ça ?... Bon, ok, j'avais carrément la classe mais je m'y prenais comme deux pieds gauches.

Il m'avait fallu du temps pour apprécier ce que j'étais. Un dieu des Enfers qui méritait bien mieux que la place pourrie que ces deux frères aînés lui avait donné. Ça, je ne pouvais le nier. Ce que je ne pouvais pas laisser de côté, aussi, c'était ce que nous étions devenue. La société Owens avait fermé ses portes suite à cela... Et bien, j'allais la rouvrir par tous les moyens, au nez et à la barbe de ma famille. Mon statut de Disney, je n'en avais rien à faire... Enfin, rien à faire... Sauf pour une seule et unique personne.

Perséphone. Elle n'en était pas une, je le savais. Ou si elle en était une, elle ne faisait pas parti de mon monde. Mais franchement, j'en doutais forcément. Elle était véritablement de ce monde là. Elle était ancrée dans ce monde là. On venait de deux mondes parfaitement différent. Et franchement, même si je n'avais pas honte de ce que j'étais, devant elle, je détournerai sans doute le regard. Parce que j'ai fui. Parce que j'ai eu un moment de faiblesse. Peu m'importait à présent qu'elle m'accepte ou non. Je devais garder ma dignité devant elle. Je refusais de me laisser envahir par les émotions... Pas avec ce qu'elle pourrait me dire. Acceptait-elle le statut des Disney ? Je l'ignorai. Mais j'avouais, au plus profond de mon être, que j'espérai qu'elle m'accepte tout de même.

Je passais devant la gare, et, avec les yeux baissés, je cognais quelqu'un. J'allais lui lancer une réplique bien senti quand je m'arrêtai... Cette voix. Ces yeux... Elle avait le teint plus bronzé. Elle n'était pas coiffé ni habillée comme d'habitude. Elle était différente, mais c'était elle. Je reconnaissais même la colère sourde qui s'animait dans son regard. J'aimais qu'elle ressente pour moi plus qu'une vulgaire indifférence, j'existai pour elle. J'avais les cheveux plus longs et le teint plus foncé aussi... Mais j'étais moi. Je retenais tout ce que je pouvais retenir au fond de moi, essayant même de cacher la fatigue et la lassitude qui se lisait sur mon visage depuis quelques jours... Elle était belle.... J'eus un léger soupir.

« Perséphone... »

La gifle. Je m'y attendais. Persé n'était pas le genre de personne à s'ouvrir très facilement, je le savais. Elle n'était pas ce genre de femme à se blottir dans vos bras pour vous murmurer au creux de l'oreille que vous lui avez manqué. Trop classique. Mais je l'aimais avec cette fougue et cette passion qui l'animait, toujours. Je la laissais parler. Je l'avais abandonné, moi ? Je ne voyais pas les choses comme elle, malheureusement. Un besoin d'explications, peut-être ? Non, trop facile, elle préférait me hurler dessus, cette tigresse. C'était sa façon de me montrer qu'elle m'appréciait un minimum.

Elle m'avait cherché ?... Elle m'avait cherché?!! Si seulement je m'étais attendu à ça. Je faillis lui répondre avec un certain sarcasme. Elle n'avait pas cherché au bon endroit. Je ne m'étais pas caché, en Argentine, hein. Mais, curieusement, à présent, je n'avais pas envie d'attiser sa colère. Je savais que nous devions parler. Et pas seulement des quatre derniers mois. J'attrapais sa main de la main gauche (elle allait encore me gifler, c'était évident) et passait mon bras droit autour de sa taille avant de prendre ses lèvres avec passion. Putain... Cette sensation grisante. C'était tellement surnaturel. Cette nana, avec son caractère de merde et son putain de sarcasme, je l'aimais... Je ne pouvais le nier. Et ça durait depuis une vingtaine d'année.

Cela dura peu de temps. Furtif, mais intense. Passionné. Brûlant... Pas mal pour le Dieu des Enfers. Je la relâchais légèrement, et passais mon pouce légèrement sur sa joue.

« Toi aussi, tu m'as manqué. Peut-être me laisseras-tu parler ? À moins que tu ne veuilles encore me gifler en public, mais je pense qu'on a assez attiré l'attention. »

Plusieurs personnes s'étaient retournée, certains nous fixant avec un certain dégoût, sans doute du à mon statut tant jalousé de Disney. Tu rêves, mon pauvre Hadès, tu rêves. Bref. J'entraînais la demoiselle dans un coin un peu plus loin, mais assez frais avant de frissonner.

« Faisons simple d'abord, ma belle. Ici ou dans un bar ? Histoire qu'on se réchauffe les miches. On se les pèle un peu dans le coin. »