Quand mon réveil sonna, j'eus une brutale envie de le jeter par la fenêtre. C'était rare, j'étais plutôt du matin en général. Mais là vraiment, je n'avais pas envie de me lever. Me lever pour quoi d'ailleurs ? Je n'avais rien à faire. J'avais redoublé ma dernière année alors forcément, je ne me donnais plus trop à fond dans les études. De toute façon, ça ne m'intéressait plus. Je me demandais même si j'allais finir cette deuxième dernière année. J'étais proche du but, c'était con d'abandonner maintenant, oui. Mais que voulez-vous, quand la motivation décline, elle décline. Et pour moi, c'était pire que ça, elle avait complètement disparue. J'avais adoré être à Poudlard en partie pour l'ambiance qui y régnait. Mais depuis l'année dernière, tout ne faisait que s'empirer. D'abord le directeur de l'école se retrouve être un Mage Noir qui fait tout pour provoquer notre mort. Ensuite il y avait eu cette histoire de Disney, et depuis, nous étions officiellement devenus l'ennemi public numéro 1. J'en venais presque à regretter Walter Elias.

Je finis par me lever, mais quand je vis mon reflet dans le miroir, j'hésitais à retourner me coucher. Je n'étais pas rasé, j'avais les cheveux en bataille. Une bonne vieille tête des matins difficiles, en somme. Mais je n'en avais rien à faire. J'avais cette espèce de rage au fond de moi qui détruisait tout ce en quoi j'aimais croire auparavant. Être présentable ? Pourquoi faire. Aller en cours ? Pourquoi faire alors j'étais un putain de Prince ?! J'emmerdais tous les profs, tous les élèves. Je n'avais jamais été rebelle mais j'éprouvais une terrible sensation de ras-le-bol. Finalement, j'étais exactement comme Isabelle. Je devais reconnaître que j'avais changé. Je pris une douche rapide et décidai de passer la journée dehors. Au moins ça me calmerait quelque peu de ne pas être enfermé entre ces murs. En descendant les escaliers, je n'échappai pas aux regards méprisants de la plupart des élèves, mais je les ignorai. La stigmatisation permanente était difficile, certes, mais elle n'étais rien comparé à la solitude que j'éprouvais. J'avais l'impression que mon coeur était brisé, littéralement. Ma meilleure amie Isabelle avait disparue. Elle n'était plus que la triste ombre d'elle même. Et j'avais aussi perdu Agathe ou Ariel, je ne savais plus vraiment comme je devais l'appeler...  

J'atteignis le lac plutôt rapidement. Une fois face à l'eau, je me sentis tout de suite mieux. Je m'assis, c'était stupide sans doute, mais j'avais terriblement envie de partir, prendre mon bateau et aller explorer le monde, comme j'avais toujours voulu le faire. Rechercher Agathe aussi. Nous nous étions bien rencontrés grâce à la mer. Je fermai les yeux et tentai de me concentrer sur le bruit des vagues. Et alors que je méditais, j'entendis quelque chose d'impossible. Cette voix....

J'ouvris les yeux lentement. Je n'osais pas y croire. Est-ce que je n'étais pas en train de rêver ? Ma respiration s'arrêta nette. Non, elle était bien là, debout, à quelques mètres seulement. Ce n'était pas possible. J'avais tant attendu ce moment, je l'avais tant imaginé... Et pourtant, je ne savais plus quoi faire. Je me levai et m'approchai lentement. Une partie de moi avait terriblement envie de prendre Ariel dans ses bras mais à chacun de mes pas je réalisais qu'il avait toujours une partie de moi qui ne connaissait pas Agathe.

"-Agathe... Où... où est-ce que tu étais passée ?" lâchai-je d'une voix tremblante. "-Cela fait des mois... Pourquoi être partie ?" Je n'arrivais pas à parler, je ressentais trop de choses. Je fixai ses yeux clairs... Elle était encore plus belle que dans mes souvenirs. Et avant qu'elle n'ait pu commencer à s'expliquer, je la pris dans mes bras.

La prendre dans mes bras, c'était comme oublier tous mes problèmes, toutes mes questions, toutes mes inquiétudes. Je me réfugiais dans la chaleur de son corps, dans l'odeur douce de son parfum, autant de petits détails que j'avais l'impression d'avoir oublié mais qui me faisaient me sentir bien, tout simplement bien. Alors quand elle s'éloigna de nouveau, je n'eus qu'une envie, la faire taire et la reprendre dans mes bras. Mais je ne le fis pas, parce que d'un autre côté, c'était la première fois dans ce monde que nous étions aussi physiquement proches et je me sentais gêné, comme lors d'un premier rendez-vous. Je l'écoutais s'expliquer sans rien dire, sans même bouger. J'étais comme pétrifié, et j'osais à peine cligner des yeux de peur qu'elle ne disparaisse aussi vite qu'elle était apparue. C'était ridicule, elle était là, devant moi. C'était tout ce que je voulais et pourtant j'étais incapable de me sentir heureux, comme j'avais cru que je le serais quand elle reviendrait. Sa présence ne faisait qu'amplifier toutes les contradictions en moi. Je reculai d'un pas.

"-Je... Je comprends. Sincèrement je te comprends. Mais moi aussi j'étais perdu, moi aussi je suis en pleine crise d'identité. Sauf que moi j'étais seul. Tu étais partie alors je n'avais plus personne. Plus aucune famille. Parce que depuis que tout ça est arrivé, Isabelle n'est plus la même, elle est en train de se noyer dans son chagrin." Je m'arrêtai une seconde en sentant la colère monter en moi. Ce n'étais pas sa faute et c'était injuste de ma part de lui en vouloir mais il fallait que ça sorte. Il fallait absolument qu'on reparte sur de bonnes bases, je ne pouvais pas me permettre de laisser ma rancœur grandir et prendre le risque d'exploser plus tard.

"-Je comprends qu'Agathe ait eu besoin de temps, mais comment Ariel a-t-elle pu m'abandonner ? Peu importe ce qu'on était avant de retrouver nos souvenirs, dans l'autre monde, on était marié. Tu aurais du affronter ça avec moi, tu aurais du me laisser être à tes côtés. Ou au moins, me prévenir. Tu ne sais pas à quel point j'étais inquiet pour toi..."

Je pris la main qu'elle avait posé sur mon visage et la retirai lentement. Mon coeur tambourinait dans ma poitrine et ma respiration s'était faite plus saccadée. Je me sentais mal. Je lui en voulais. Et je m'en voulais de la repousser, parce que je n'en avais pas envie. Je gardais les yeux fixés sur son visage et je me demandais ce qu'elle avait eut en tête quand elle avait décidé de partir. Avec ou sans mes souvenirs de l'autre monde, je n'aurais jamais été capable de l'abandonner. J'avais eu des sentiments pour elle dès notre première rencontre, mais visiblement, cela n'avait pas été réciproque puisqu'elle était partie sans un mot.

Je chassai ces pensées qui me brisaient le coeur. Elle était là maintenant, c'était tout ce qui comptait non ? Si j'en avais jamais douté, j'en étais sûr désormais, peu importait que l'on soit dans un monde ou dans un autre, ce serait toujours elle la femme de ma vie. Je soupirai un grand coup.

"-Je suis désolé, je veux juste être honnête avec toi. J'ai été blessé Ariel, j'ai été blessé parce que je ne peux pas vivre sans toi..."