S'il y avait une chose pour laquelle Em était douée, c'était bien trouver des tenues extravagantes et le maquillage clinquant pour aller avec. Beaucoup vous direz que cette fille là, elle est déguisée toute l'année tellement elle aime abuser et envoyer toutes les conventions en l'air. Alors quand elle avait entendu parler de la soirée déguisée, elle n'avait pas hésité une seule seconde, elle avait directement appelé Isabelle pour la convaincre d'y aller avec elle. Elle se regarda dans le miroir et ce qu'elle vit la rendit plutôt fière. Elle avait une sacrée allure. Pour ce qui était de la provocation, elle se plaçait là. Si son père voyait ça, il l'empêcherait de sortir, c'était sûr. On aurait dit qu'elle était prête à aller tapiner, mais elle s'en moquait royalement. Elle n'avait pas peur de ce que les gens pourraient dire. Et puis c'était une soirée déguisée merde ! En quoi elle était déguisée ? Facile. En Madonna. Elle se tourna vers Isabelle avec un immense sourire. Elle était tellement heureuse d'avoir une occasion de sortir comme ça !

"-Isabelle, on a trop géré sur ce coup. Cette tenue est parfaite !" Elle s'avança vers son amie pour la prendre doucement dans ses bras. Elle n'en revenait pas qu'elle soit là avec elle. Certes, elle n'était plus la petite Isabelle prude qui s'enferme à la bibliothèque, mais de là à accepter de sortir avec une Em déguisée en Madonna... Em avait une mauvaise influence sur elle, aucune doute là dessus. Quoique, c'était quand même Isabelle qui était venue la trouver au départ... Le truc c'est qu'elles avaient fait tellement de conneries ensemble depuis la "mort" de Ash, qu'une affection sincère était née entre elles. Et si Em avait au début tenté d'effacer sa culpabilité en prenant soin de la jeune fille, désormais elle appréciait tout simplement le fait d'être avec elle.

"-Merci d'avoir accepté de venir avec moi ! Tu vas voir, on va s'éclater !" Elle s'éloigna de son amie pour la regarder de la tête aux pieds. Elle aussi était magnifique. Isabelle était vraiment une très belle femme. Em comprenait qu'Ash soit tombé amoureux d'elle. "-Il te manque un peu de maquillage quand même ! Au moins un peu de rouge à lèvres, tu n'as pas le choix sur ce point." Elle attrapa son tube le plus rouge et le lança à son amie. Après quelques minutes de dernières retouches, les filles décidèrent qu'il était temps d'y aller. Em prit une veste en cuir noir et une petite pochette assortie. Elle savait qu'elle n'avait pas besoin de grand chose puisqu'elle avait prévu de rentrer avec Isabelle quand ce serait l'heure du couvre-feu. Encore une règle stupide. Mais Em préféra ne pas y penser, ce soir, elles allaient s'éclater sans se préoccuper du reste !

Em demanda à Isabelle de descendre en premier afin qu'elle s'assure que son père ne soit pas dans l'entrée, et quand ce fut le cas elle dévala les escaliers, cria à son père qu'elle sortait et s'enfuit de la maison avant que ce dernier n'ait pu comprendre quoi que ce soit. Elle éclata de rire en fermant la porte et prit son amie par le bras.

"-J'ai eu chaud, s'il m'avait vu comme ça..."

Pourquoi avait-il décidé d'aller à cette soirée ? Rider n'en avait aucune idée. Il se regarda dans le miroir. En plus, il avait vraiment abusé sur le costume. Pour qui se prenait-il ? Un héros ? Il soupira. Avoir l'allure d'un gladiateur ne faisait pas de lui quelqu'un de courageux et d'honnête. Au contraire, ce n'était qu'un déguisement de plus. Encore une autre manière de cacher qui il était vraiment. Eugène Fitzerberg déguisé en Flynn Rider déguisé en Prince de Perse. C'était pitoyable. Il n'était aucun des trois, il n'était rien ni personne, et il mentait à tout le monde. Y compris à lui-même. Les gens ne se rendaient pas compte du poids qu'il portait sur ses épaules. Ils ne pouvaient pas imaginer à quel point c'était difficile de jouer en permanence. Surtout quand, comme lui, on ne l'a pas réellement cherché. Il voulait se donner une nouvelle chance, mais lui non plus ne s'imaginait pas que ce serait si difficile à tenir sur le long terme. Il n'y avait qu'Orpheus qui pouvait comprendre. Mince, il aurait du l'inviter. Lui aussi avait besoin de se détendre. Mais en y réfléchissant, Rider se dit qu'il n'aurait sans doute pas accepté, c'était pas trop son truc ces soirées là.

Puis il pensa à Raiponce. Sans savoir pourquoi, il n'avait pas osé l'inviter non plus. En réalité, il commençait à regretter. Il aurait du lui dire la vérité dès le départ, maintenant qu'il avait commencé à jouer à ce petit jeu, à lui mentir à elle aussi, il ne pouvait pas faire machine arrière. Jamais elle ne lui pardonnerait de lui pardonnerait d'avoir menti. Maintenant, tout ce qu'il lui restait à faire, c'était espérer qu'elle ne découvre jamais la vérité, et se saouler la gueule pour oublier. Voilà, il la tenait la raison de son escapade de ce soir. Sortir, prétendre être quelqu'un d'autre sans que cela ne dérange personne. Il eut un léger sourire. Il fallait quand même l'avouer, il était pas mal comme ça. Il y avait juste ce foutu D qui gâchait tout. Mais il devait garder ce sourire aux lèvres, ainsi il passerait pour quelqu'un de normal et peut-être qu'il pourrait s'amuser un peu avant de finir ivre.

Quand il entra dans la salle, la chaleur moite qui l'enveloppa lui fit du bien. Avec ces lumières tamisées, c'était l'endroit parfait pour disparaître. Il alla s'accouder au bar et demanda une bière. Le barman refusa, en pointant du doigt le D sur la poitrine du jeune homme. Rider lui lança un regard assassin et serra les poings, prêt à exploser. C'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Alors comme ça il n'avait même plus le droit de se bourrer la gueule ?! Il se dégagea du bar en poussant violemment les gens autour de lui. Après un rapide coup d'oeil dans la salle, il vit qu'il ne connaissait personne.

Il n'avait rien à faire là.

Il sortit du bar, fit quelques mètres et se retrouva seul dans la rue alors que la nuit se faisait sombre. Il se sentait ridicule dans ce costume. Et honteux. Pourquoi tout était si dur ? Pourquoi ne pouvait-on pas le laisser vivre en paix ? Le laisser vivre, tout simplement... Il se laissa tomber par terre et s'effondra.

Pendant un instant, Rider se sentit comme dans les vapes. Il retenait ses larmes, la tête entre les genoux. Il avait du mal à respirer. C'était la colère qui l'étouffait. Il n'avait aucun doute la dessus. La colère, le désarroi, le dépit, le sentiment de vide, d'impuissance. L'impression de n'avoir rien fait et de ne jamais plus pouvoir faire quelque chose de sa vie. En un mot, le désespoir le plus total. Il n'avait plus la force de se lever, et en fait, il n'avait même plus la force de pleurer. Il était fatigué. Il n'aurait jamais du sortir ce soir. Une mauvaise décision de plus à ajouter à sa liste. En fait, c'était comme si toutes les décisions qu'il avait prises jusqu'à présent avaient été mauvaises. Mais il ne savait plus comment arrêter ce cercle infernal. Sur le moment, il justifiait toujours ses décisions par de bonne raisons, mais c'était par la suite qu'elles s'avéraient mauvaises. Si seulement il pouvait voir dans le futur, si seulement il y avait quelqu'un pour le guider et l'aider à avancer. Si seulement il pouvait repartir dans son véritable monde... Il respira profondément et penser à sa vie là-bas le calma un peu. Même s'il n'était qu'un vaux-rien, il n'avait jamais connu le malheur, comme il l'avait expérimenté ici.

"Flynn !"

Le jeune homme leva immédiatement la tête. Non, il ne pouvait pas y croire. Raiponce... Qu'était-elle venue faire ici ? Et lui qui était dans tout ses états... C'était bien le moment. Elle s'agenouilla devant lui et posa la main sur les siennes avant qu'il n'ait pu dire un mot. Il ouvrit la bouche mais rien ne sortit. Tu me demandes si ça va, mais qu'est-ce que tu veux que je te réponde... Il finit par sourire.

"-Raiponce..." soupira-t-il. "-Tu es venue pour la soirée déguisée ?" C'était assez évident au vu de sa tenue mais il essayait surtout de meubler le temps de trouver quoi lui dire. Il ne pouvait pas l'accabler avec ses problèmes. Il ne pouvait pas l'accabler avec sa dépression alors que jusqu'à présent il avait toujours tout fait pour lui redonner le sourire et l'empêcher de penser à ce genre de choses. "-T'es à tomber dans ce costume. T'es déguisée en quoi au juste, ça ne me dit rien..." Il fixa la jeune fille dans les yeux en faisant de son mieux pour rester impassible. Elle était belle. Elle était littéralement lumineuse alors que lui était pitoyable.

"-Tu devrais aller à l'intérieur, il commence à faire froid ici." Il déglutit et soupira. "-Je suis désolée... je ne suis pas sûr d'être d'humeur à faire la fête ce soir." Il rit doucement. "-Nous les Disney, on a même pas le droit à une bière..."

Cela aurait été n'importe qui d'autre, Flynn se serait senti ridicule et aurait tout fait pour s'échapper. Il n'aimait pas montrer ses faiblesses. Pourtant, avec Raiponce, il n'était pas gêné. Il réussit même à esquisser un sourire quand elle lui expliqua en quoi elle était déguisée. Sourire qui disparu à l'instant où elle réitéra sa question. Une partie de lui aurait tout voulu lui raconter, lui expliquer que sa vie n'était qu'une vaste blague et qu'elle perdait son temps avec lui, mais de façon très égoïste, ce soir, il n'avait pas envie de la fuir comme il l'avait fait la fois précédente. Il avait besoin qu'elle reste à ses côtés.

"-Non... non ça ne va pas du tout... " soupira-t-il "Ma vie est en bordel, j'ai tout raté..." Il déglutit et détourna la tête, en essayant de contenir ses larmes. Il se sentait tellement vide que dans un sens, il était déjà mort.

J'avais un petit espoir de te croiser. Ces mots troublèrent le jeune homme qui plongea son regard dans celui de Raiponce. Ce qui le surprenait, c'était qu'elle face autant attention à lui. Elle l'avait fait asseoir correctement, elle avait le temps de s'intéresser à ce qui n'allait pas chez lui et maintenant... Maintenant elle caressait délicatement son visage avec un mouchoir, comme si elle voulait effacer toute la peine qu'il ressentait. Pourquoi ? Certes, il avait fait la même chose pour elle sans raison lors de leur première rencontre mais qu'elle continue de jouer les amies après ce qu'il lui avait dit dans la tour... Ce jour là, il avait réellement cru que tout était fini entre eux, il s'était juré de ne plus retourner la voir et voilà que maintenant, c'était elle qui venait à lui. Un drôle de sentiment l'envahit. Il était à la fois heureux et effrayé. Il aimait être avec elle mais il avait toujours cette voix en lui qui lui hurlait de ne pas la laisser s'approcher d'avantage. Il prit la main de Raiponce et la regarda droit dans les yeux pour répondre à sa question.

"-Tu ne devrais pas t'inquiéter pour moi, je n'en vaux pas la peine. Dans ce monde je ne suis toujours qu'un petit voleur sans ambition ni avenir." Il passa une main sur la joue de Raiponce et lui sourit. "Tu mérites mieux, princesse."

Voilà, il l'avait dit. Elle allait enfin comprendre pourquoi il se comportait comme ça avec elle. Voilà, c'était clair, ils ne pourraient être qu'amis. Mais bizarrement, il n'y croyait pas lui-même, il sentait qu'elle n'en avait que faire de tout ça. Il se leva, se sentant d'un coup un peu plus léger et invita Raiponce à faire de même.

"-Tu n'as peut-être pas sauvé la planète, mais j'ai la sensation que tu m'as sauvé moi" lâcha-t-il "Et il est hors de question que tu rentres toute seule, je te raccompagne." Il leva les yeux vers le ciel noir. "Il est super tard en fait non ? Si ça te dit, tu peux dormir chez moi, c'est un taudit mais au moins c'est à côté."

Flynn tenta de rester stoïque mais les paroles de la jeune femme l'avait profondément troublé. Un T-shirt ? Il l'imagina un instant sans vêtements... "-Euh, oui, bien sûr, pas de problème !" lâcha-t-il en se ressaisissant. Il sourit pour se cacher son malaise derrière une façade de confiance et continua:"-Ou tu peux dormir sans vêtements, ça ne me pose pas de problème."

Mais au moment même où les mots étaient sortis de sa bouche, Flynn eut une envie furieuse de les ravaler. Il allait trop loin. Il était allé trop loin. L'inviter chez elle ? Sérieusement ? Il vivait dans un trou à rats, il n'avait qu'un seul lit, et il venait de se jurer de ne plus flirter avec Raiponce. Or ça, c'était clairement du flirt. Comment avait-il pu passer outre les résolutions qu'il avait mis de jours à construire ? Il était décidé. Avant de la voir... Il avait suffit qu'il croise son regard une seconde, qu'il voit son sourire et ses longs cheveux blonds pour tout oublier. Il déglutit. Non, il n'avait pas oublié. Il avait saisi la main de Raiponce pour se lever, et là, tout lui était revenu. Il avait encore fait une belle connerie. Mais visiblement, Raiponce appréciait, ce qui en soi, était encore pire.

"-De rien, c'est avec plaisir."

Ils marchèrent ensuite en silence, la nuit était froide, presque glaciale. Flynn et Raiponce pressaient inconsciemment le pas pour échapper à la nuit. Mais à chaque pas, le ventre de Flynn se nouait un peu plus. Il fallait qu'il trouve quelque chose à faire, un sujet de conversation innocent pour chasser toutes les idées qui lui venaient en tête.

Une fois en bas de l'immeuble, Flynn se trouna une dernière fois vers la jeune femme. "-Sûre que t'es prête à entrer là dedans ? J'habite au dernier étage et mon appart ressemble plus à un grenier qu'autre chose donc si tu veux partir en courant, je comprendrais." Voulait-il qu'elle parte ? Oui ! ... Non... Pas vraiment... Bref. Ils montèrent les escaliers et une fois devant la porte Flynn reprit confiance en lui, il était en territoire connu, il n'y avait aucune raison que les choses ne se passent pas bien. Il se tourna une nouvelle fois vers la jeune femme et avec un sourire il lui lança avec un clin d'oeil: "-Ferme les yeux.".

Il fit tourner la clé dans la serrure, ouvrit la porte et prit Raiponce par la main pour la faire entrer dans l'appartement. "-Bon, c'est vraiment modeste, j'espère que ça t'ira quand même..." Pour ne pas qu'elle ait le temps de réaliser dans quoi elle venait de mettre les pieds, Flynn enchaîna en se dirigeant vers son coin cuisine: "-Tu veux boire quelque chose ? Manger peut-être ? Est-ce que tu as déjà mangé ? On peut se cuisiner un truc si t'as faim."